Lavenir ta nou : rencontre avec l’équipe qui soutient les jeunes Saint-Louisiens

En réponse aux besoins des jeunes dits « invisibles » de Saint-Louis, un projet appelé « Lavenir ta nou » a été lancé par Apprentis d’Auteuil Océan Indien et l’Ecole de la 2ème Chance de la Réunion, en partenariat avec la ville, en janvier 2020. Après 18 mois à la rencontre des jeunes de trois quartiers de Saint-Louis et de soutien dans leurs projets, l’équipe de Lavenir ta nou nous partage son expérience.

Annabelle et Alexandre sont éducateurs de rue d’Apprentis d’Auteuil Océan Indien et Sandrine, référente de parcours de l’E2C Réunion. Ensemble depuis juin 2020, ils ont repéré près de 70 jeunes de 3 quartiers prioritaires de la ville de Saint-Louis (Roches Maigres, Bois de Nèfles Coco et ZAC Avenir). Repérage, accompagnement social, remobilisation, et suivi des jeunes sont le quotidien de cette équipe dynamique.

Lavenir ta nou, un projet de proximité

Quels sont les objectifs de Lavenir ta nou ?
Annabelle : « Basant ma pratique sur le « aller vers », je vais à la rencontre des jeunes en pied d’immeuble, dans leur quartier dans le but de me présenter, faire émerger leurs attentes vis-à-vis de leur quartier ou de leur projet personnel. Leur accompagnement par Lavenir Ta Nou se fait selon leur libre adhésion ».

Qui sont les jeunes bénéficiaires de ce projet ?
Alexandre : « Nous repérons des jeunes Saint-Louisiens de 15 à 29 ans. Selon le secteur, ils ont des profils très différents. Ils peuvent être concernés par des problématiques sociales, d’addictions, de carences éducatives. Certains sont décrocheurs scolaires, d’autres sont diplômés mais n’ont pas la motivation nécessaire ou manque parfois de confiance en eux, pour s’investir dans un projet professionnel ».

Remobilisation des jeunes Saint-Louisiens : « aller vers »

Quelle est votre approche, votre méthode ?
Alexandre : « Les jeunes sont souvent méfiants, ainsi dans un premier temps, nous approchons des jeunes en petits groupes dans les quartiers pour pouvoir dialoguer avec eux. On instaure un lien de confiance progressivement, au fur et à mesure de notre présence dans le quartier, ils comprennent qu’on peut les aider, et viennent ensuite d’eux-mêmes vers nous. Les jeunes associent les éducateurs à des moments de convivialité (activités ludiques et ateliers thématiques) ce qui facilite leur adhésion pour venir en entretien et aborder l’insertion professionnelle ».

Annabelle : « On est là pour lancer une dynamique. Notre rôle est de booster les jeunes et de leur redonner confiance. Ils en manquent malgré leurs capacités. La première chose, c’est la création du lien à travers les activités mises en place. Cette étape est indispensable avant de commencer le travail d’insertion. »

Sandrine : « La relation établie par les éducateurs aide à la prise de contact avec moi. Participer aux activités me permet aussi de me rapprocher des jeunes et de maintenir le lien. Nous travaillons sur le développement personnel c’est-à-dire la connaissance de soi, l’introspection, la valorisation de son potentiel. On leur fait prendre conscience de leurs capacités car ils ne sont pas habituellement valorisés. On les préparer à leur insertion professionnelle, par la découverte du monde de l’entreprise, des visites d’organismes de formation et de rencontres avec des institutions.»

Comment redonnez-vous envie aux jeunes de se mobiliser ?
Alexandre/Annabelle : « Nous les invitions à participer à des ateliers d’expression artistique (slam, reggae, …), des sessions de jeux de société. Des associations de prévention interviennent sur des thématiques choisies par les jeunes. Certains jeunes demandent à animer eux-mêmes des ateliers de Parkour ou de musculation. Nous réservons des temps d’expression libre avec un thème choisi à l’avance, des temps accompagnements sur l’outils informatique et le smartphone, et des échanges sur l’identité culturelle ».

Sandrine : « Une fois que les jeunes sont prêts à s’engager dans un projet, je les accompagne vers leur insertion professionnelle durant 4 à 8 mois. Je les aide à développer leur confiance en eux et à gagner en autonomie. Je définis avec eux leur parcours professionnel selon leurs appétences. Je vérifie si leur projet est réaliste et réalisable. Si tel est le cas, nous mettons en place un plan d’actions ».

Quelle relation instaurez-vous avec les jeunes ?
Sandrine : « Je leur donne la parole avant tout. Je leur demande leur approbation avant d’entreprendre quoique ce soit. Je m’adapte à leur langage. Je mets en valeur leur capacité”.
Alexandre : « Quand tu as aidé à trouver une formation ou un emploi à un jeune, c’est là que tu deviens crédible. Cela fait effet boule de neige. Ils jouent le rôle de relais auprès d’autres jeunes et parlent de Lavenir ta nou à leurs camarades, qui, à leur tour entrent dans le dispositif ».

Le maillage partenarial

Les familles jouent-elles un rôle ?
Alexandre : « Il nous arrive d’être en contact avec leurs familles. Souvent, ce sont elles qui nous contactent car elles se rendent compte du changement de leur enfant, et veulent en savoir davantage. Les familles sont rassurées par cet accompagnement”.
Annabelle : « L’échange avec les parents est une opportunité pour nous de recueillir des informations sur les jeunes afin de les accompagner le mieux possible ».
Sandrine : « Certaines familles nous contactent directement pour demander que leurs enfants soient accompagnés dans leur projet d’avenir ».

Qui sont vos partenaires dans l’accompagnement de ces jeunes ?
Alexandre/Annabelle/Sandrine : « Pour une partie du sourcing, nous travaillons avec les chefs de projet qui nous mettent en lien avec les « grands frères ». Avec eux, nous repérons les jeunes qui ont besoin d’accompagnement. Nous sommes en lien avec la Protection judiciaire de la jeunesse, les agents du Service pénitentiaire d’insertion et de probation. Nous travaillons avec des référents identifiés à la Mission locale et à Pôle emploi pour engager les jeunes dans un parcours dynamique ».

Les jeunes après Lavenir ta nou

Comment restez-vous en lien avec les jeunes ?
Sandrine : « Après leur sortie du dispositif, le projet inclut un suivi post parcours de 3 mois durant lequel nous suivons leur avancée. Ils peuvent aussi revenir vers les éducateurs s’ils ont besoin d’aide même après la sortie du dispositif. Mais ce ne sont plus des « invisibles », ils sont désormais connus des services publics de l’emploi ».
Alexandre : « Depuis le début de Lavenir ta nou, 70 jeunes ont été repérés. Des jeunes intègrent le dispositif tandis que d’autres en sortent car ils ont trouvé un emploi ou une formation. Aujourd’hui, ces jeunes associent l’éducateur.trice à quelque chose de positif ».

Vous sentez-vous porteurs d’avenir ?
Alexandre : « L’accompagnement se fait par l’échange. J’ai pleinement conscience des difficultés que rencontrent les jeunes. Je connais cette réalité pour l’avoir vécue. Ce n’est pas facile de s’en sortir. Dans nos échanges, le jeune me confie sa vie et mon parcours peut l’inspirer. »
Annabelle : « Les jeunes nous motivent parce qu’ils ont des idées et des rêves. Et moi, je les aide à y croire ! »

L’action de Lavenir ta nou se poursuit en 2022. Le travail de repérage portera notamment sur la mobilisation des adultes autour des jeunes, accroître le repérage, notamment du public féminin. L’équipe va également expérimenter « le porte-à-porte ». Une technique de sourcing de proximité dont la volonté d’Apprentis d’Auteuil Océan Indien « d’aller vers » prend tout son sens.

Le projet Lavenir ta nou est soutenu par :