Accueillis par l’entreprise Bac UP Sécurité, qui a contractualisé avec le Comité d’Organisation des J.O. 2024, ces apprentis ont été affectés sur le site olympique de la Concorde. Ils ont eu la responsabilité d’assurer le contrôle des accès, le filtrage des spectateurs, et la surveillance des zones de compétitions de BMX, skate, break dance et basket à trois. Encadrés par un chef d’équipe aguerri, ils ont découvert l’exigence organisationnelle d’un évènement d’envergure mondiale. Un mois après leur retour à La Réunion, nous échangeons avec six de ces jeunes ainsi que leurs trois accompagnateurs.
L’expérience des J.O. : apprentissages, défis et nouvelles compétences
Comment avez-vous vécu l’expérience de travailler sur un site olympique à Paris ?
Izayas : Participer à l’organisation d’un événement aussi important que les Jeux Olympiques a été incroyable. Notre rôle consistait à surveiller les gradins et à veiller à ce que tout se passe bien, que les règles soient respectées, comme l’interdiction de fumer ou de bloquer les couloirs. Nous étions équipés d’un t-shirt de l’entreprise, d’une casquette, d’une veste et d’une radio qui nous permettait de communiquer avec notre chef d’équipe posté ailleurs.
En général, on était sur place pendant 4 à 5 heures, mais il arrivait parfois que l’on travaille jusqu’à 12 heures. Ça a été l’un des moments difficiles à surmonter. En dehors de la fatigue, il faisait aussi très chaud. Nos horaires n’étaient pas toujours bien adaptés aux transports, ce qui nous obligeait à négocier pour sortir un peu plus tôt et attraper le dernier métro.
Avez-vous développé de nouvelles compétences durant ce stage ?
Elna : Oui, surtout en ce qui concerne le filtrage et l’accueil du public. Ce stage nous a permis de mettre en pratique ce que nous avions appris en théorie, notamment comment réagir face à des personnes qui ne parlaient pas français. Il a fallu apprendre à se faire comprendre et à imposer le respect des règles pour assurer leur sécurité.
Youva : On parlait principalement en français. On a accueilli des gens qui venaient de Corée du Sud, de Chine, et c’était parfois compliqué de communiquer. Au fil des jours, on a pris nos marques et appris des formulations pour se faire comprendre. C’était gérable mais je n’ai pas beaucoup progressé en anglais !
Loanne : Il fallait faire preuve de maîtrise de soi, et ce n’était pas toujours facile. Certaines personnes ne comprenaient pas les règles, ça compliquait les choses. On devait parfois répéter les consignes plusieurs fois.
Hugo : J’ai appris à gérer mon stress. La fin des compétitions était un moment stressant, tout le monde voulait partir en même temps.
Qu’est-ce que vous avez le plus apprécié dans votre mission ? Etiez-vous en contact avec les athlètes ?
Loanne : Ce que j’ai préféré, ce sont les échanges avec les gens, et de rencontrer des personnes de différentes nationalités. C’était très enrichissant. On a croisé des athlètes, mais on n’a pas vraiment eu de longues discussions avec eux. Ils étaient concentrés sur leurs compétitions.
Les moments marquants à Paris
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué en découvrant Paris, en dehors du travail ?
Anissah : Le Louvre ! C’était impressionnant de voir autant d’histoire en un seul endroit. On a aussi remarqué la diversité des touristes, venant du monde entier, et la tolérance dans la manière dont les gens s’habillent ou se comportent à Paris. C’est très différent de La Réunion où tout le monde se connaît, ou connaît quelqu’un qui te connaît, et où il y a parfois des jugements rapides.
Hugo : Il y a toujours du monde, c’est impressionnant. Les magasins sont ouverts jusqu’à 22h, c’est différent de chez nous. Ce qui m’a marqué, c’est que les gens ici sont plus centrés sur eux-mêmes. Ils ne sont pas forcément dans l’entraide. Ils sont moins généreux que chez nous à La Réunion. Il y a un vrai contraste.
Youva : La ville de Paris elle-même est incroyable avec tous ses monuments. On a fait un certain nombre de visites de musées, de sites culturels mais ce que j’ai préféré c’est le parc Disneyland. C’était magique !
Avez-vous rencontré d’autres jeunes pendant ce séjour ?
Anissah : On a fait la connaissance des jeunes de la MECS Sainte-Thérèse qui nous a hébergés. Nous leur avons offert des petits souvenirs de La Réunion. La rencontre a été courte mais nous avons apprécié leur gentillesse. Ils vivent dans un milieu très différent du nôtre et ils nous ont touchés. Ce moment d’échanges nous a permis de mieux apprécier ce que l’on a.
L’impact sur l’avenir des jeunes
Cette expérience a-t-elle changé votre vision du métier ou influencé vos projets professionnels ?
Anissah : Ça m’a confortée dans mon projet de devenir surveillante pénitentiaire. J’ai réalisé que la métropole pourrait m’offrir davantage d’opportunités dans ce métier. Ce séjour m’a rassurée de savoir que je pourrais me débrouiller seule en métropole sans avoir besoin du soutien constant de ma famille.
Hugo : Ça n’a pas vraiment changé ma vision, mais ça m’a conforté dans l’idée que je pouvais partir de La Réunion pour mes études.
Loanne : Non, ça n’a pas changé mes projets, mais ça m’a donné davantage confiance.
Un projet de mobilité riche en évolutions pour les jeunes
Quels étaient les principaux objectifs pédagogiques et professionnels de ce projet de mobilité ?
Yasmina Maroc, responsable de l’UFA à l’initiative du projet : Au-delà de leur stage professionnel sur les sites olympiques, les objectifs étaient de faire découvrir aux jeunes leur métier dans un contexte métropolitain, en complétant leurs connaissances. Les jeunes ont profité de leurs jours de repos pour visiter des sites exigeants des compétences spécifiques, comme la sécurité dans des immeubles à grande hauteur, ce qui n’existe pas à La Réunion. Nous avons aussi visité l’aéroport Charles de Gaulle, une expérience qui les a confrontés à des réalités professionnelles différentes. L’idée était de les aider à se projeter dans un avenir où ils pourraient travailler en métropole, dans des environnements qu’ils ne connaissent pas, et ils ont vu ce qu’exige le métier de titulaire du brevet professionnel en métropole.
Quels défis avez-vous rencontrés et comment les avez-vous relevés ?
Yasmina Maroc : Beaucoup de ces jeunes n’avaient jamais voyagé. Le choc culturel de passer 21 jours dans une grande métropole était important, et vivre en collectivité pendant ce temps-là n’a pas toujours été facile. Il a fallu être très attentifs à leurs besoins, par exemple, la dimension culturelle du repas créole leur manquait. Nous avons dû adapter notre approche pour les reconnecter, et cela a porté ses fruits.
Comment avez-vous perçu l’évolution des jeunes au fil du séjour, tant personnellement que professionnellement ?
Yasmina Maroc : Il y a eu une vraie progression. Certains jeunes ont commencé à se détendre et à profiter des découvertes. Ce changement était très positif, notamment pour ceux qui vivent des situations personnelles difficiles. Leur capacité à s’ouvrir aux autres et à apprécier l’expérience est pour moi un signe de succès.
Anne-Sophie Sinama Valliamée, enseignante et formatrice : J’ai observé une réelle évolution chez les jeunes. Pour la majorité, c’était leur premier voyage et leur première longue séparation avec leur famille. Certains avaient exprimé des appréhensions avant le départ. Toutefois, arrivés sur place, ils ont su prendre leur marque à l’internat et s’organiser entre eux, ils ont été autonomes pour se déplacer avec les transports en commun parisiens.
Du côté professionnel, ils présentaient déjà tous une posture de qualité et une attitude rigoureuse. Ils ont donc pu s’adapter dès le premier jour à leurs missions et assurer leurs postes de travail avec beaucoup de professionnalisme. Cela a d’ailleurs été fortement remarqué par l’entreprise partenaire. De plus, avoir travaillé dans un environnement inconnu et lors d’un évènement d’une telle envergure leur a fait gagner en confiance et en maturité professionnelle. En début de mission, ils craignaient de ne pas pouvoir comprendre les langues étrangères, et finalement, ils étaient fiers d’avoir réussi à comprendre et à se faire comprendre par le public venant du monde entier et cela, toujours avec le sourire.
Est-ce que l’expérience leur a donné un avantage pour leur future carrière ?
Rolland Monthouel, formateur : Le fait d’associer les visites culturelles à des objectifs professionnels a été bénéfique. Ils ont pu voir directement sur le terrain ce qu’ils avaient appris en théorie. Que ce soit dans les musées ou à Disneyland, où l’aspect sécuritaire a été une vraie découverte. Ils se projettent beaucoup mieux dans les concepts que j’enseigne. Je vois qu’ils les captent plus rapidement maintenant.
Anne-Sophie Sinama Valliamée : Cette expérience leur a ouvert les possibilités de carrière. Ils ont pu prendre conscience de la diversité du métier qu’offrait les grandes villes comme Paris. Ils sont maintenant conscients de leur capacité à s’adapter dans un nouvel environnement et à travailler ailleurs.
Envisagez-vous de renouveler ce type de projet à l’avenir ?
Yasmina Maroc : Il est impératif de renouveler ce genre de projet. Que ce soit pour les apprentis en sécurité ou pour les nouvelles formations à venir, il faut offrir à ces jeunes l’opportunité de s’ouvrir au monde à travers des voyages et des rencontres. Cela leur permet de grandir professionnellement et personnellement.
« Alon vers J.O. » en images
Elna, Anissah, Hugo, Noah, Youva, David, Loanne, Izayas, Steeve, Arnaud, Yvan et Alan prêts à prendre leur poste | Loanne et Noah orientent le public venu assister aux compétitions à la Concorde |
Anne-Sophie Sinama-Valliamé et Yasmina Maroc, les accompagnatrices du séjour, avec Elna | Les 13 apprentis, entourés de Rolland Monthouel, le 3ème accompagnateur et de Yassine Bennouna, directeur de la sécurité de BacUp Sécurité, qui vient d’expliquer le fonctionnement d’une des zones de sécurité |
Izayas et la statue de cire de Gims au musée Grévin | Les jeunes devant la toile d’Eugène Delacroix « La Liberté guidant le peuple » au musée du Louvre. Ils ont également visité le musée Grévin, le musée du Quai d’Orsay, le zoo de Vincennes, et la cité des Sciences, et ce sont amusés au Parc de Disneyland |
Spécialités mahoraises cuisinées par les jeunes, et dégustées au sol comme le veut la tradition pour vivre un vrai temps convivial | Yasmina Maroc, responsable de l’UFA et Mohammed Cherif, gérant de l’entreprise BAC Up Sécurité, invité à un repas préparé par les jeunes |
Soutenu par AKTO, LADOM, et la Région Réunion, ce projet de mobilité a permis aux jeunes de revenir à La Réunion avec de nouvelles compétences, des souvenirs inoubliables, nourris de curiosité, et une vision renouvelée de leur avenir professionnel. Ils sont désormais prêts à poursuivre leur parcours avec une énergie nouvelle et une ouverture sur le monde.
Ouverte en septembre 2022 et rattachée au lycée professionnel Saint-François-Xavier, l’Unité de Formation par l’Apprentissage (UFA) d’Apprentis d’Auteuil Océan Indien, permet à des jeunes âgés de 16 à 29 ans de signer un contrat d’apprentissage avec une entreprise. Il offre la possibilité de bénéficier d’une formation en alternance, en associant une formation chez un employeur et des enseignements dispensés par l’UFA. Les apprentis acquièrent des connaissances théoriques et des compétences techniques pour maîtriser un métier, pour comprendre l’entreprise, et intègrent les savoir-faire indispensables qui favorisent leur intégration dans l’entreprise. Avec, pour chacun, un accompagnement social sur mesure, spécificité d’Apprentis d’Auteuil Océan Indien, qui permet de sécuriser leur parcours d’apprenti.
Contact : Yasmina Maroc, responsable de l’UFA du lycée professionnel Saint-François-Xavier – yasmina.maroc@apprentis-auteuil.org